Exceptionnelle paire d’appliques à deux lumières en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni
« Les serpents entrelacés »
Entièrement réalisée en bronze très finement ciselé et doré à l’or mat ou à l’or bruni, chaque applique s’organise autour d’une platine, à fond amati soulignée d’enfilages de perles se terminant en consoles à enroulements, flanquée de branches d’olivier et recevant les deux bras de lumière curvilignes soulignés de feuillages et terminés en grecques ou triglyphes retenant des guirlandes de lauriers rattachées à la platine par une rosace turbinée ; les bassins et binets à godrons, feuillages et canaux rudentés. Les culots, à bandeau à frises de piastres, sont agrémentés de grecques, feuillages, gouttes et canaux, ponctués de colliers de perles et terminés en bouquets feuillagés. L’ensemble est rattaché dans la partie haute à un ruban noué à un disque centré d’une rosace, retenant des feuillages autour desquels s’entrelacent deux serpents dont les gueules retiennent un collier de perles et reposant sur un entablement architecturé à piastres, canaux et perles.
Cette exceptionnelle paire d’appliques peut être considérée comme la parfaite représentation des recherches esthétiques entreprises sous le règne de Louis XV par certains grands artisans parisiens pour aboutir à la création d’un nouveau style ornemental et décoratif plus ou moins directement inspiré par l’Antiquité classique grecque ou romaine. Ce renouveau, en réaction à l’esprit rocaille du début du règne de Louis XV, se développa à la demande de certains grands amateurs et collectionneurs parisiens de l’époque, tels le comte de Caylus ou Ange-Laurent Lalive de Jully, lassés des modèles rocailles et désireux d’aménager leurs hôtels parisiens dans un nouveau style masculin et puissant qui deviendra le style de référence en France et, plus largement en Europe, pendant de nombreuses décennies ; il sera même à l’origine du développement du style Empire dans les dernières années du XVIIIe siècle et les premières années du siècle suivant.
Les appliques que nous proposons furent réalisées dans ce contexte particulier. Leur composition particulièrement originale, ainsi que leur qualité exceptionnelle de ciselure et de dorure, nous permettent de les rattacher à un bronzier parisien actif à la fin des années 1760 ou au début de la décennie suivante. De modèle unique, puisqu’à notre connaissance aucune autre paire d’appliques similaire ou identique n’est connue, elles reflètent la notion de commande propre à quelques rares grands amateurs du temps. Leur dessin ou certains de leurs motifs peuvent être rapprochés de certains projets d’ornemanistes ou dessinateurs parisiens de l’époque ; ainsi les serpents entrelacés se retrouvent notamment sur des projets de vases décoratifs, qu’ils soient de Jean-Louis Prieur ou de Gilles-Paul Cauvet (voir A. Forray-Carlier, S. Legrand-Rossi et B. Quette, De Bronze et d’Or, Bronzes dorés du musée Nissim de Camondo, Paris, Les arts décoratifs, 2024, p.111) ; tandis que le dessin si particulier des bras « à la grecque » auxquels se rattachent des guirlandes feuillagées se retrouve dans le même esprit sur un projet de l’ornemaniste Jean-Charles Delafosse tiré de sa « Nouvelle Iconologie Historique » publiée à Paris en 1768 (voir H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Die Bronzearbeiten des Spätbarock und Klassizismus, Tome I, Munich, 1986, p.187, fig.3.9.5).